Depuis l’apparition de l’appli MonCompteFormation, l’utilisation du budget CPF s’est largement démocratisée : Un changement stratégique pour beaucoup d’organismes de formation, une aubaine pour d’autres. Et pourtant, les erreurs se cumulent et les risques se multiplient.
Rappel sur le contexte lié au CPF (Compte Personnel de Formation) pour les Organismes de formation
C’est un fait, l’apparition de l’application CPF a permis de faciliter l’exploitation par les particuliers du budget formation qu’il leur est dédiée. En effet, par le passé, entre l’opacité du système et sa complexité, rares ont été ceux qui en ont bénéficié.
Donc cette application est apriori accueillie positivement par l’ensemble des acteurs de la formation même si il installe une concurrence par le prix et non par la qualité entre les prestataires.
- Pour les particuliers, l’accessibilité et l’autonomie sont renforcées
- Pour les organismes de formation, un support capable de stimuler leur présence digitale, une véritable valeur ajoutée pour les centres peu portés sur la communication avec un site Internet très peu visible…
Cependant, et avec un recul, cette proposition peut également avoir des effets négatifs :
- Des règles d’accessibilité nombreuses et complexes. Les CGU de l’application sont importantes et mises à jour régulièrement.
- Un nivèlement par le bas des formations, le prix prenant le dessus sur la qualité des propositions.
Parallèlement, la crise du Covid-19 a créé une importante hausse du chômage. Beaucoup de particuliers, maintenant sans emploi, se précipitent ainsi sur l’appli CPF afin de se former avec ou sans le soutien de leur employeur.
Cependant, les professionnels de la formation ont également été impactés, et à l’instar des particuliers, les organismes se précipitent sur la plateforme EDOF (espace professionnel de l’application), sans toutefois prendre connaissance des conditions d’acceptation. Une mauvaise compréhension, volontaire ou non, aux conséquences parfois très lourdes …
Les ambiguïtés de l’application CPF
Le contexte étant identifié, intéressons nous maintenant aux ambiguïtés que cela engendre.
L’obligation de proposer des formations certifiantes
C’est l’institution France Compétences qui décide de l’aspect certifiant d’une formation. Sans cette validation nationale, une formation ne peut pas officiellement être reconnue comme telle.
De cette manière, si votre formation découle bien sur un certificat, mais que celui-ci n’est pas reconnu par France Compétences, alors vous n’avez pas le droit de proposer votre formation sur l’application CPF !
Exemple Vous proposez une formation Google Ads. À la fin de votre formation, vous délivrez à vos apprenants un certificat de fin formation. Ce certificat aura bien évidemment une reconnaissance sur le marché du travail, mais pas pour France Compétences. Par conséquent, il ne sera pas possible de proposer cette formation sur l’application MonCompteFormation.
Autre erreur couramment constatée : La formation que vous délivrez n’est pas certifiante et vous contournez le problème en faisant passer votre formation sous une autre certification, pour que ça passe…
Autre erreur grossière, une formation certifiante au titre d’un BTS, obtenue via une formation de 2H sur le sujet…
L’ambiguïté concernant la formation « création d’entreprise »
À côté de cela, il existe une sorte de raccourci qui permet de délivrer des formations « non certifiantes » sur cette même application : en effet, il est permis de proposer des formations dédiées à la création d’entreprise.
Problème : Aux yeux de France Compétences et de la caisse des dépôts, ces formations doivent être dédiées à la comptabilité, au marketing, au juridique etc. Bref, tout ce qui incombe spécifiquement à la création d’une entreprise. Mais pour Monsieur et Madame tout le monde, ce n’est évidemment pas la même chanson.
Différents exemples :
- Prenez le cas d’un entrepreneur souhaitant entreprendre dans la vente en ligne de vêtements. Logiquement, il sollicitera une formation liée au E-commerce afin d’apprendre à créer un site internet. Malheureusement, cette formation n’est pas reconnue par France Compétences comme un processus lié à la création d’entreprise car elle est considérée comme une formation métier. Résultat : la formation ne peut donc pas être proposée sur l’application, et l’apprenant ne pourra pas utiliser son budget CPF pour cette formation.
- Il se peut aussi tout simplement qu’un particulier souhaite monter son propre restaurant. En 2021, un restaurant doit savoir communiquer sur les réseaux sociaux afin de se faire connaitre. Ici encore, la formation liée aux réseaux sociaux n’est pas reconnue par France Compétences.
- Ce futur restaurateur souhaite peut être se former à la cuisine … même combat, la formation cuisine, malgré qu’elle participe de manière évidente à la création d’un restaurant, n’est pas considérée comme certifiante.
- Il peut alors se retourner vers une formation bureautique afin d’apprendre à maitriser les supports de livraison, comme Uber Eats. Là encore, France Compétences ne reconnait pas cette formation comme liée à la création d’entreprise.
- (la liste est longue) et certains organismes de formation doivent déjà rembourser des dizaines de milliers d’euros pour rembourser la Caisse des dépôts à ce sujet qui souhaite annuler sa prise en charge a posteriori.
Conclusion : les formations techniques ne sont pas reconnues par France Compétences comme des formations dédiées à la création d’entreprise.
Une inscription complexe pour les particuliers
Du côté des apprenants, il va bien évidemment falloir se créer un compte sur la plateforme pour pouvoir s’inscrire à une formation.
Une création qui, après observation, induit plusieurs points de friction :
- Pour créer un compte, il faut une adresse mail. Or, certaines personnes ne possèdent qu’une adresse professionnelle. Étant maintenant sans emploi, ces derniers peuvent ainsi rencontrer, dès la première étape, une première difficulté.
- D’autres personnes, souvent les personnes âgées, n’ont pas les connaissances nécessaires en bureautique pour créer un compte de A à Z.
Au-delà de la création du compte, d’autres étapes peuvent aussi interroger :
- Le moteur de recherche de l’application CPF est également très complexe. Les options de filtrage, quasiment cachés, entrainent ainsi une recherche chronophage, qui provoque souvent l’abandon de certains utilisateurs.
- Lorsque vous avez sélectionné la formation de votre choix, il va d’abord falloir vous pré-inscrire. À ce moment là, votre argent va automatiquement disparaitre de l’application. Pour autant, vous n’êtes toujours pas inscrit ! Il faut en effet attendre que l’organisme de formation en question vous fasse une proposition (date, durée etc.) avant que vous puissiez retourner sur la plateforme afin de finalement valider la proposition.
Ces organismes de formation qui croient être certifiés à tord
Vous l’avez compris : pour dispenser une formation sur l’application CPF, il faut impérativement que cette dernière soit certifiante.
Malheureusement, dans certains cas, la plateforme EDOF n’est pas configurée pour empêcher un organisme de formation de rajouter une formation non certifiante. Conséquences :
- Au niveau du formé, ce dernier croit à tort effectuer une formation certifiante (l’apprenant peut toutefois demander le remboursement de sa formation, cette déficience n’étant pas de sa responsabilité).
- De son côté, l’organisme de formation va pouvoir ajouter la formation (bien que non certifiante) sur l’application et pour toutes les formations dispensées il devra rembourser la somme de la dite formation, cette dernière n’étant pas reconnue par France Compétences.
Note, depuis le 1er Mars, l’application semble avoir corrigé ce problème.
Le détournement des fonds CPF
Globalement, les particuliers sont mal informés sur le fonctionnement de l’application. Celle-ci reste complexe.
Aussi, il est économiquement logique voire nécessaire, que les organismes de formation accompagnent les particuliers tout au long du processus d’inscription : explication des droits à la formation etc.
Ainsi, de plus en plus d’organismes se voient obligé de faire un travail de conseiller application en plus de conseiller formation et proposent ainsi de créer le compte au nom de l’apprenant, voire sélectionner eux même la formation visée : juridiquement, cette action s’avère très limite, même illégale, car le professionnel se substitue à un particulier qui doit théoriquement être autonome (c’est tout le sujet de l’application CPF!). Dans cette continuité, il arrive même que l’organisme déclenche lui même l’action de formation, en s’auto payant directement.
Différents cas qui peuvent à terme entrainer de graves conséquences, aussi bien pour l’apprenant que l’organisme de formation.
La CDC a relevé un détournement de plus de 7 Millions d’Euros en la matières selon cet article de france Inter sur le sujet de la fraude CPF
L’absence de facture et de suivi administratif
Pour conclure, nous tenions également à attirer votre attention sur les problématiques de contrat, de devis et de facture. En effet, les organismes de formation présents sur l’application CPF deviennent automatiquement très exposés aux contrôles du Fisc, mais pour autant, le support n’exige de son côté absolument rien.
Prenons l’exemple de contrôle de la DIRECCTE. Ce service étatique impose à chaque organisme de consigner les contrats, les devis et les factures liés aux formations (dans le respect des règles Qualiopi). Or, l’application CPF, elle, n’exige rien ! Conséquence, les cas d’oubli et de négligences deviennent légion, avec à terme, des sanctions pouvant être très lourdes.
Pour rappel, il est obligatoire de faire respecter les critères Qualiopi au pire Datadock afin de pouvoir figurer sur l’application CPF.
Au final, il existe aujourd’hui des milliers d’action de formation qui ne respectent pas les processus Qualiopi ou Datadock. Si certains préfèrent ne pas s’attarder sur ce genre de petits détails, ils peuvent toutefois se transformer en véritables désastres au moment d’un contrôle.