nudges

Avez-vous déjà éprouvé des difficultés à favoriser l’engagement des participants à une formation ? Les engager à s’inscrire, à venir, à participer, à rester, à écouter, à retenir, à appliquer ?

L’engagement est un des moteurs de toute formation efficace, et une  préoccupation légitime des formateurs.

Le marketing de la formation prend un rôle de plus en plus important lors de la réalisation de la formation. Et c’est une bonne nouvelle.

Et si, en plus de tous les outils d’engagement que vous connaissez, vous ajoutiez un nouveau levier, le nudge ?

Un nudge, « coup de pouce » en anglais, est une modification de l’environnement de choix d’un individu qui a pour objet de changer son comportement sans le contraindre.

Ce concept s’appuie sur des recherches issues des sciences comportementales dont le but est de comprendre les facteurs souvent irrationnels qui sous-tendent nos décisions et opinions, afin de pouvoir influencer celles-ci de façon douce, non contraignante.

Il est utilisé avec succès dans de multiples secteurs, notamment en complément des logiques économique, de communication, ou de coercition, par exemple pour inciter à payer ses impôts, à rester en forme, à respecter l’environnement, à faire un don à une association etc.

Et si le nudge devenait un levier supplémentaire de l’engagement des participants à une formation ?

Pour nous aider  à passer de l’intention de se former à l’action de se former, dans un environnement en perpétuel mouvement, où « se former tout au long de la vie » est une nécessité, les nudges peuvent être utilisés avec efficacité avant, pendant et après une session de formation.

 Leurs mécanismes sont basés sur l’observation des comportements réels des individus, la compréhension de leurs biais de jugement et de leurs processus de décision.

1.      Avant : comment inciter les apprenants à se former, et à s’inscrire à la formation proposée.

Les apprenants ont toujours beaucoup de raisons de ne pas s’inscrire à une formation, qu’ils ne financent pas directement : manque de temps, intérêt des contenus peu évident, oubli… Les nudges peuvent améliorer cette première étape :

  • Simplifier l’offre, et ne pas laisser trop de liberté de choix.

Pour inciter un salarié à se former, et l’orienter vers les programmes qui lui conviennent, trop de choix…tue le choix.

Nous avons naturellement tendance à privilégier les offres qui sont présentées de façon simples, personnalisée, ou lorsqu’ un choix proposé par défaut oriente notre décision : s’inscrire à une formation demande un certain effort, mais se désinscrire d’une formation proposée par défaut en est un autre, peu probable, pour peu que celle-ci intéresse un minimum l’individu.

  • Choisir le bon messager : une offre de formation provenant d’une personne dont on se sent proche, d’une personnalité admirée ou inspirante, obtiendra un meilleur taux d’inscription qu’une proposition émanant d’un service RH ou d’un organisme anonyme.
  • Anticiper les freins et obstacles que les apprenants risquent de rencontrer avant la formation, en leur demandant à l’avance une forme de pré-engagement, par exemple avec la méthode « WOOP », (Wish-Outcome-Obstacle-Plan, ou souhait-résultat-obstacle-planification), qui permet à l’apprenant d’identifier ses attentes, objectifs et obstacles à surmonter, dans un esprit positif orienté résolution des problèmes.

Cette réflexion en amont de la formation améliore significativement la motivation des participants et augmente de 67% leur taux d’engagement.

  •  Il faut également communiquer en amont sur les bénéfices que les chercheurs ont identifiés comme susceptibles de réduire le risque de procrastination : la variété et la qualité des contenus proposés, (un bénéfice immédiat pour le participant a plus d’impact qu’un avantage à moyen ou long terme), le fait que la plupart des salariés de l’organisation suivent des programmes de formation, celle-ci devient alors une norme,  une valeur partagée.

Si la formation continue s’inscrit dans la culture de l’entreprise elle peut devenir une norme sociale qui s’imposera aux salariés comme une valeur partagée forte, indispensable à leur développement personnel et professionnel.

Dans les secteurs de la Tech, la formation continue est une question de survie, et un argument pour attirer les talents extérieurs. Là encore la communication est un levier efficace « 70% de nos salariés ont déjà été formés aux outils digitaux de dernière génération » est un argument puissant pour convaincre le reste du personnel.

  •  

2.      Pendant : comment améliorer l’efficacité de la formation.

Les sciences comportementales apportent de nombreux outils aux formateurs qui veulent améliorer leur efficacité :

  • Le pouvoir de la réciprocité : commencez par demander beaucoup aux apprenants, (effet d’ancrage), puis accordez leur, avec magnanimité… une charge de travail moins lourde (celle qui était prévue initialement), ils vous remercieront en redoublant d’effort.

Mettre en avant l’engagement de l’entreprise dans la formation, communiquer avec des messages fondés sur la réciprocité, « Nous agissons pour votre avenir, pouvons-nous compter sur vous ? » se révèle plus efficace que le classique « Nous investissons chaque année 2% de la masse salariale dans la formation, profitez-en ».

  • Déterminez le bon niveau de difficulté. Les tâches trop faciles ou trop difficiles démotivent les participants. L’effet « Ikea » nous apprend que la valeur perçue d’un résultat est proportionnelle à l’effort fourni. Ce principe a ses limites, il convient de tester, adapter les objectifs pour identifier le niveau de difficulté optimum.
  • Gardez un état d’esprit bienveillant et une communication positive. L’effet Pygmalion favorise les prophéties auto réalisatrices : la façon dont nous jugeons favorablement et encourageons les apprenants développe chez eux un état d’esprit plus réceptif et améliore leur performance. A qualité de travail égale, les évaluations négatives peuvent entraîner découragement et perte de confiance en soi.

« Ne dites jamais du mal d’un enfant, ni devant lui ni en son absence » écrivait Maria Montessori. Penser du bien d’un apprenant incite inconsciemment le formateur à favoriser sa réussite. De la même façon l’apprenant sera plus motivé et la formation plus efficace s’il pense du bien ou s’il admire son formateur

  • Proposez un environnement physique approprié : l’aménagement intérieur, la décoration, les plantes vertes, le choix de certaines couleurs favorisent l’apprentissage et stimulent les participants. Organiser les sessions « hors les murs », téléphones éteints, évitera allées et venues et contacts incessants avec les collaborateurs, clients, fournisseurs… Savoir décrocher est simple (et nécessaire) s’il n’y a pas d’alternative possible !
  • Multipliez les évaluations actives : quiz, jeux, concours permettent de dynamiser les sessions et aident à mémoriser les contenus. Les apprenants sont sensibles aux modalités d’évaluation, même si celle-ci a en général peu d’importance dans le cadre d’une formation continue.

Il est préférable de sortir des schémas classiques qui nous suivent depuis l’école,  et privilégier des appréciations qualitatives, ludiques, qui favorisent l’émulation positive. Comme en sport, des niveaux par couleurs (« or », « argent », « bronze ») ou des titres générant de la fierté (« maître », « expert », « ambassadeur » etc.), incitent à progresser, sans oublier les certificats, gratifications et célébrations qui vont avec.

  • Il est plus facile d’atteindre un objectif ambitieux s’il est décomposé en petits objectifs intermédiaires, qui seront atteints pas à pas.

L’acquisition de connaissances fonctionne mieux lorsqu’elle est découpée en modules courts et séquencés, permettant une progression régulière. L’apprenant sait où il en est, et la validation de chaque étape est un encouragement pour atteindre le but souhaité.

  • Le présentiel, facteur de motivation. Les chercheurs ont observé que pour les participants il est plus facile de se désengager d’une formation en ligne que d’une formation en présentiel.

Sans surprise les participants sont plus impliqués et l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il y a une interaction physique, ou a minima un format « blended » associant distanciel et présentiel. La formation en ligne présente d’immenses avantages en termes d’organisation, de coût, de diffusion mais elle reste un outil moins efficace, d’après les dernières recherches dans ce domaine.

 Le faible taux de complétion des MOOC (moins de 10% des inscrits en moyenne) en est la confirmation.

3.      Après : changer les comportements sur le long terme

La formation n’est pas une fin mais un début ; elle doit apporter des connaissances, modifier des comportements, et produire des effets à moyen et long terme, alors même qu’une bonne partie des contenus sera oubliée après quelques semaines ou mois.

  • A temps de travail égal, espacer les sessions de formation dans le temps permet de gagner en efficacité de mémorisation et de restitution.
  •  Il est recommandé d’éviter une session unique longue et dense ; l’apprentissage distribué, ou effet d’espacement, permet d’obtenir les mêmes résultats avec deux fois moins d’heures de formation cumulées. Ceci à condition que cette stratégie d’espacement soit volontaire et non forcée.
  • Toute formation doit faire l’objet d’un suivi. Comment s’assurer de son efficacité, comment l’améliorer si aucun effet ou résultat n’est observé et mesuré ?

Seulement 5% des budgets formation sont dédiés au suivi et à l’accompagnement post formation, alors que cette étape est aussi importante que la formation elle-même. Assurer des séances de coaching, des points sur la mise en œuvre des acquis de la formation, devrait toujours faire partie intégrante du processus.

Une formation professionnelle efficace est vitale pour relever les défis auxquels les organisations sont confrontées, comme la montée en compétence des salariés pour accompagner la transformation digitale de leur entreprise, ou leur adaptation au développement rapide des technologies basées sur l’I.A. 

Les sciences comportementales en général et les nudges en particulier peuvent rendre l’expérience d’apprentissage plus séduisante, plus motivante et plus efficace, à travers la compréhension des processus décisionnels qui influencent l’engagement des participants avant, pendant et après une expérience de formation.

La plupart de ces démarches et outils sont faciles à mettre en œuvre et n’exigent pas de lourds investissements, une fois que les objectifs de formation ont été clairement définis ; ils nécessitent en revanche une certaine remise en cause des formats et méthodes traditionnels de formation professionnelle.

La résistance au changement n’est pas le biais le plus facile à lever, mais attirer et retenir les talents passe par une stratégie de formation qui favorise l’engagement, l’épanouissement et la fidélité des salariés.

Auteurs :

Etienne BRESSOUD, Docteur en Sciences de Gestion, Directeur délégué BVA Nudge Consulting.

Marc du PELOUX, Docteur en Sciences de Gestion, Professeur de Marketing, EBS, European Business School, Paris.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *